APPELS À PROJETS
© Sinem Mucur, And the glitter is gone
LA TERRE, UNE ET MULTIPLE
Appel à projets 2018-2019
Terra Mea est un cycle thématique international dont l’ambition est de révéler comment s’exprime le « rapport à la terre » sur différentes scènes artistiques contemporaines.
Cette série d’expositions est coordonnée par Le Collectionneur Moderne, notre galerie multimédia qui associe à chacune de ses exposititions l’édition de contenus numériques et la production de vidéo-documentaires.
Djemre est le premier volet de Terra Mea dédié à la Turquie contemporaine. Son commissariat sera assuré par Ekin Akalin.
Vous pouvez nous soumettre à tout moment votre projet par email à l’adresse contact [at] lecollectionneurmoderne.com
CYCLE TERRA MEA
Étudier le « rapport à la terre » des artistes en ce début de XXIe siècle revient à soulever deux problématiques fondamentales de l’art actuel : quel est le rôle de la création contemporaine dans les engagements écologiques et les revendications culturelles ? quelles sont les spécificités des scènes artistiques locales à l’heure où l’art est lui-même considéré comme globalisé ?
LES TERRES
Le mot « terre » présente en français comme dans de nombreuses autres langues une polysémie intéressante. Selon qu’on l’assortie ou non d’une majuscule, ce mot semble désigner des contraires :
> la Terre, que des voix diverses tentent de faire reconnaître comme un bien commun (écologistes, altermondialistes, idéologues, partisans de la mondialisation, etc.) ;
> tandis que la terre – et ses corollaires que sont le territoire et le terroir – est plutôt invoquée pour dessiner les contours d’une culture, ou les frontières d’une nation.
Le cycle Terra Mea s’intéresse à l’articulation entre ces deux échelles dans le registre de l’écologie, entre l’enjeu mondial et les spécificités régionales du défi environnemental. Il a également pour vocation de souligner la variété des champs thématiques que peut recouvrir la problématique du « rapport à la terre » à l’ère de la mondialisation.
LES NOUVELLES MANIFESTATIONS DU LIEN À LA TERRE
La terre a récemment été convoquée par des mobilisations populaires et citoyennes qui en proposent une lecture innovante, résistant aux classifications politiques et tranchant clairement avec les revendications nationalistes du siècle précédent.
Malgré leur caractère apartisan et protéiforme, ces « printemps » et autres mouvements de protestations qui ont jalonné le début des années deux-mille ont pour points communs un rejet du modèle unique et une attention pour les voix minoritaires. C’est parce que la terre est riche de multiples sens que la nouvelle génération de militants cherche à la soustraire aux tentatives d’uniformisation et de globalisation.
Les luttes environnementales imprègnent toutes sortes de revendications qui débordent et transcendent les questions purement écologiques. L’Homme est uni à la terre pour des raisons complexes et diverses et il s’oppose désormais à ce que les autorités gouvernementales ou les puissances économiques se l’arrogent sans concertation.
LA BIODIVERSITÉ POUR MODÈLE
Au côté des slogans et des performances citoyennes, la création artistique occupe une place centrale dans plusieurs de ces mouvements contestataires. Certaines œuvres sont d’ailleurs massivement relayées sur les réseaux sociaux et s’imposent comme des moyens sensibles pour interpeller les consciences.
Qu’est-ce qui rassemble et distingue les artistes qui se sont engagés aux côtés des militants du Parc Gezi en Turquie, avec les zadistes français, les aborigènes d’Australie, ou encore le Mouvement brésilien « des sans-terre » ?
Le cycle Terra Mea s’attache à montrer que – au-delà de l’évidente variété de leurs discours créatifs – les artistes engagés dans ces causes s’inspirent du modèle de biodiversité offert par la nature pour soulever d’autres formes de questionnements, sur la défense de la pluralité des modèles culturels, politiques, économiques, sociaux, etc. Autant de réflexions sensibles et originales qui peuvent nous aider à mieux définir nos projets individuels et collectifs pour la Terre.
EXPOSITION DJEMRÉ
Les « Djemré » – ou cemre – sont des événements déclencheurs du printemps selon le calendrier anatolien populaire. Ce sont des flammes qui « tombent » successivement dans l’air, sur terre puis dans l’eau et qui, en réchauffant les éléments, préparent un cycle de renaissance.
De même que les saisons et les phases lunaires rythment la vie rurale, le « Djemré » symbolise une conception traditionnelle du temps, qui est encore bien vivante en Turquie. Elle s’oppose aujourd’hui à la temporalité productiviste qui conditionne nos vies et véhicule dans son sillon un ensemble de valeurs morales et sociales déconnectées de l’environnement.
Pour cette exposition sur le thème du rapport à la terre dans la Turquie contemporaine, nous avons choisi de rassembler les artistes sous le signe du renouveau, puisque la cause écologique y a inspiré de nombreux mouvements citoyens ces dernières années et que certains artistes – comme les militants – s’inspirent du modèle offert par la nature pour envisager une redéfinition de notre société : une véritable « Renaissance ».
L’ÉCOLOGIE EN TURQUIE
On pourrait faire remonter les origines de l’écologie en Turquie aux traditions ancestrales du paganisme anatolien ou de la tradition soufie, mais elle ne s’est véritablement concrétisée sous forme de cause politique que dans les années 80. Les premières mobilisations populaires de défense de l’environnement apparaissent ensuite dans les années 90, avec notamment les manifestations contre les mines aurifères de Bergama (1996-1997) et le mouvement de contestation des constructions de barrages hydro-électriques en Anatolie.
Si ces causes écologiques portent déjà des revendications politiques affirmées, c’est avec le mouvement Gezi, à Istanbul en 2013, que la défense de l’environnement s’accompagne pour la première fois d’un projet social contestataire : les premiers manifestants du Parc Gezi défendaient d’abord un sanctuaire végétal contre les velléités des promoteurs immobiliers, mais la répression aveugle que leur opposa le gouvernement transforma la mobilisation sur le modèle de l’Occupy Movement : la contestation devint politique, anti-capitaliste, et se répandit dans plus de 80 villes.
UN ART BIOMIMÉTIQUE
De nombreuses études ont été publiées autour des affiches, slogans et performances de cette révolte urbaine connue pour sa créativité, mais aucun projet n’a identifié jusqu’alors l’esthétique de sa pensée écologique. L’exposition Djemré a pour but d’explorer l’expression plastique du rapport à la terre, avant et après Gezi, chez des artistes qui ont pris part au mouvement et d’autres dont la démarche est moins explicitement politique.
Parmi cette sélection artistique, la symbiose et le « bio-mimétisme » tiennent une place de choix : la défense de la nature ne s’y affirme pas seulement comme un but en soi, mais comme un vecteur d’accomplissement pour l’Homme. Le maintien de la biodiversité, le respect des trajectoires naturelles des fleuves ou l’exploitation raisonnée de la terre s’imposent comme autant de moyens de s’émanciper d’un modèle économique et culturel dans lequel les habitants de la Turquie du XXIe siècle ne se reconnaissent pas toujours.
Dans un monde où le changement climatique devient un problème prioritaire, ces artistes nous proposent des pistes de réflexions poétiques et métaphoriques qui enrichissent la substance même du débat : en puisant dans leurs ressources culturelles, ils développent un discours à la fois original et universel, qui invite le spectateur à mieux voir, à mieux écouter la terre.