13e Biennale de Lyon, La vie moderne

Du 10/09/15 au 03/01/16
À l’occasion de cette 13e biennale de Lyon, découvrez le travail de 3 artistes remarquables qui interrogent à leur manière le thème de la manifestation : « La Vie Moderne »

affiche biennale lyon
Informations pratiques :
13ème édition de la Biennale de Lyon
Site officiel : www.biennaledelyon.com
Forfait : 15€ (tarif réduit : 8€)

Les 3 artistes du dossier :
-> Les ruines de Cyprien Gaillard
-> L’anthologie de la triche de Julien Prévieux
-> Cecilia Bengolea et Jeremy Deller

ARCHÉOLOGIE, DESTRUCTION ET POSTERITÉ

Cyprien Gaillard

« Mon travail commence là où l’archéologie s’arrête »

Cyprien Gaillard (né en 1980) s’est imposé en moins de dix ans comme un phénomène artistique incontournable. Mi-Jet set, mi-hooligan, ce voyageur infatigable mêle les réflexions théoriques les plus fécondes à une approche ravageuse de la modernité.

Cyprien Gaillard se nourrit « d’entropie », un concept issu de la thermodynamique qui a été développé par le père du Land art, Robert Smithson, et qui désigne l’évaluation de la dégradation. Plus particulièrement, l’artiste s’intéresse à la destruction des édifices humains par le temps et les phénomènes naturels.

À quoi ressembleront les ruines de la modernité ? Quelles seront demain les nouvelles hiérarchies du patrimoine archéologique ? Telles sont les questions que soulèvent son travail protéiforme. Les paradoxes engendrés par nos soucis de préservation du patrimoine ou les problématiques liées à sa restauration alimentent une réflexion plus globale sur l’empreinte de l’homme, dénuée de tout jugement de valeur ou d’une quelconque nostalgie.

Liens vidéos :
-> Desniansky Raion, en 2009 / Tate Modern
-> Cities of gold and mirrors, Prix Marcel Duchamp 2010
-> Geographical Analogies, fin 2011 / Centre Pompidou

Chateau d’Oiron Cyprien Gaillard

Allée du Château d’Oiron, 2008
(photo Aude Launay)

Béton concassé issu du recyclage d’une tour d’habitation d’Issy-les-Moulineaux

Son œuvre à la biennale :
Nightlife

Ce que Cyprien Gaillard a abandonné de sa spontanéité, il l’a gagné en virtuosité technique dans ce clip 3D d’une dizaine de minutes, filmé à grands renforts de spots et de drones, qui poursuit sa réflexion sur les ruines modernes.

La bande-son est une litanie reggae : un court sample du « I was born a looser » de Alton Ellis, répété en boucle, comme une atmosphère de revers de fortune.

Cyprien Gaillard Nightlife

Nightlife C.Gaillard 2015, tous droits réservés
Nightlife est une déambulation en 4 tableaux et en 3 dimensions

1er tableau : le film s’ouvre sur la jambe arrachée du Penseur de Rodin, qui orne le parvis du Musée de Cleveland et qui a été détérioré par un attentat en 1970 ;
2ème tableau : la caméra s’attarde ensuite sur une danse gracieuse de branches d’arbres transplantés dans les rues de Los Angeles et filmés au ralenti ;
3ème tableau : nous nous élevons dans le ciel de Berlin au milieu d’un formidable feu d’artifice, une grand-messe urbaine ;
4ème tableau : la séquence s’achève sur un arbre décharné qui, lui, ne danse plus : il s’agit du dernier des quatre chênes que le coureur noir américain Jesse Owens a ramené des J.O de Berlin en 1936 pour chacune de ses médailles d’or arrachées au régime Nazi… Comme un rêve américain qui aurait perdu de sa superbe.

TECHNOLOGIES, LOISIRS ET RÉGLEMENTATION

Julien Prévieux

Julien Prévieux (né en 1974) s’intéresse aux mécanismes sociaux. Il transforme, sous les formes les plus variées, les modèles juridiques, institutionnels et relationnels de nos sociétés.

BAC 14e dessin Julien Prévieux

Atelier de Dessin, B.A.C du 14ème
© Julien Prévieux, tous droits réservés

Liens vidéos :

-> Post-Post-Production, 2004 : l’artiste surcharge un James Bond de débauches d’effets spéciaux
-> Anomalies construites, 2011 : sur l’exploitation des compétences par Google Sketchup
-> What Shall We Do Next ? : sur la protection intellectuelle des gestes (Prix Marcel Duchamp 2014)

Son sujet de prédilection est le monde de l’entreprise, ses procédures et son langage si particuliers. À partir de 2004, il en a détourné les codes avec humour dans ses Lettres de non motivation.

Appliquant la même logique de contre-productivité à la question de la Sécurité, il met en œuvre en 2011 un Atelier de dessin avec quatre agents de la BAC du 14ème arrondissement, en leur demandant de tracer des « diagrammes de Voronoï » en recensant la géographie des délits constatés. En principe, cet algorithme doit être traité par un ordinateur en temps réel et il perd toute sa substance dans sa transposition graphique, « à la main ».

Il mélange les genres en combinant des superstitions avec le monde de l’économie et de la finance : dans À la recherche du miracle économique (2006), il soumet des extraits du Capital de Marx aux « codes de la bible », une technique de décryptage utilisée pour faire surgir de textes sacrés des significations cachées (les mots découverts sont krack, faillite, audit…).

Pour Forget The Money (2011), il a racheté aux enchères une partie de la bibliothèque de l’escroc Bernard Madoff et s’attarde sur les titres de ses livres de poche, qui sont complètement ordinaires mais qui prennent dans ce contexte des consonances prémonitoires (No Second Chance, End in Tears ou White Shark).

Son œuvre à la biennale :
Petite anthologie de la triche

La Petite anthologie de la triche est une exposition, sur un gradin, d’un  musée des artefacts du sport. Un musée des idées et des technologies qui ont tenté de devancer ou de contourner les réglementations des compétitions sportives avant d’être interdites.

julien previeux biennale lyon anthologie de la triche

On y découvre une étonnante balle de golf « Polara » dont la répartition des alvéoles garantie la régularité du vol ; ou la combinaison de natation « LZR Racer » en polyuréthane et sans couture qui permet aux nageurs de fendre l’eau (92% des médaillés de Pékin l’utilisaient) ; ou encore la raquette de tennis « spaghetti » à double cordage… entre autres baskets à ressorts, battes de baseball en liège, etc. !

Au delà de la question de la dénaturation d’un loisir récréatif par la compétition, cette installation soulève la problématique de l’exploitation des « vides juridiques » et des tentatives effrénées d’en faire une exploitation commerciale. La plupart des objets présentés dans la Petite anthologie de la triche ont connu un succès fulgurant avant d’être brusquement interdits.

SOCIÉTÉ, ARTS, HIÉRARCHIES

Jeremy Deller et Cecilia Bengolea

Cecilia Bengolea (née à Buenos Aires en 1979) est chorégraphe et performeuse

Jeremy Deller (né à Londres en 1966) est un plasticien, performeur et vidéaste britannique qui explore les dimensions politiques et sociales de la performance.

Les œuvres de Jeremy Deller impliquent parfois de larges publics : ce fut le cas avec The Battle of Orgreave une performance qui l’a fait connaître en 2001 dans laquelle il reconstituait une manifestation historique des mineurs anglais en 1984 qui a viré à la guerre civile.

Son invitation s’est même étendue à une ville entière en 2004 pour l’ouverture de Manifesta 5 : avec Social Parade, l’artiste a fait descendre dans la rue la population San Sebastián.

Il explore les nouvelles formes de dévotions collectives (The Posters Came from the Walls dresse des portraits de fans de Depeche Mode) et encourage des formes d’expression directe sur des sujets politiques (comme It Is What It Is: Conversations About Iraq, un débat géopolitique sans intermédiaire, organisé dans de grands musées américains)

Liens vidéos :
-> Extrait de La Bataille d’Orgreave, 2001
-> Documentaire sur la Social Parade , 2004
-> Extrait de The Posters Came from the Walls, 2007

Deller Figgis oregreave

Jeremy Deller, tous droits réservés

Jeremy Deller Rhythmasspoetry biennale lyon

Leur œuvre à la biennale :
Rythmasspoetry

Rhythmasspoetry est une vidéo hilarante qui fait se rencontrer des univers sociaux et des formes d’expressions artistiques pourtant a priori hermétiques.

Jeremy Deller / Art:Concept tous droits réservés

Cette création originale pour la biennale de Lyon a amené Jeremy Deller à se pencher sur les spécificités sociales de la ville. Avec Cecilia Bengolea, il a parcouru l’agglomération et ses quartiers contrastés avant de rencontrer un complice de choix en la personne de Denis Trouxe, ancien adjoint au maire chargé de la Culture.

Il en résulte un vidéo-clip croustillant, dans lequel le notable se transforme en véritable gangsta des institutions artistiques ! Il est mis en scène dans sa luxueuse villa de Champagne-au-Mont-d’Or et adopte des postures de parrain. Les artistes lui ont adjoint trois danseuses de dancehall originaires d’un quartier ouvrier de Vaulx-en-Velin. Et Monsieur l’Adjoint au maire de se dandiner au milieu de ses muses : « J’ai tout jeté à la poubelle ! »… «  Je kiffe l’art de la rue » !

Rythmasspoetry est une rencontre improbable entre deux mondes contemporains, une incongruité comme seuls les artistes peuvent les imaginer.